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Droit de la propriété intellectuelle et droit fiscal: enjeux actuels d’une collaboration ou d’une confrontation autour de la licence box

Il nous a paru intéressant d’examiner l’interaction entre ces deux domaines au travers de deux questions générales: (i) Quelle influence les nouvelles dispositions fiscales sont-elles susceptibles d’avoir sur le droit civil? (ii) Quelle influence les dispositions civiles existantes sont-elles susceptibles d’avoir sur le droit fiscal?

Deutschsprachige Zusammenfassung:

Im derzeitigen internationalen Steuerkontext arbeitet die OECD seit mehreren Jahren an der Entwicklung von Lösungen zur Bekämpfung der aggressiven Steuerplanung und hat hierzu einen Aktionsplan (BEPS-Massnahmen) veröffentlicht, welcher 15 Massnahmen zur globalen und harmonisierten Bekämpfung von Erosion des Steuersubstrats und von Gewinnverschiebungen umfasst.

In diesem Zusammenhang hat die Schweiz beschlossen, im Rahmen der beschränkten Gesetzgebungskompetenzen der Mitgliedsländer ein Patentbox-System (im STAF integriert) einzuführen, das nicht unter den Begriff des unlauteren Wettbewerbs im Sinne von Aktionspunkt 5 des BEPS-Aktionsplans fällt.

Die Patentboxregelung gilt allerdings nur für bestimmte Immaterialgüterrechte und kommt nur zur Anwendung, wenn ein wesentlicher Teil der Forschungs- und Entwicklungstätigkeit in dem den Steuervorteil gewährenden Land ausgeübt wurde. Um diese Anforderung zu erfüllen, empfiehlt Aktionspunkt 5 die Anwendung des Nexus-Ansatzes. Bei diesem Ansatz wird der steuerbegünstigte Anteil der Einnahmen aus geistigem Eigentum anhand des Verhältnisses zwischen den Ausgaben für Forschungs- und Entwicklungsaktivitäten und anderen Ausgaben im Bereich des geistigen Eigentums bestimmt.

In der Schweiz errechnet sich der Nettogewinn aus Vermögenswerten des geistigen Eigentums auf Basis des aus dem Produkt stammenden Nettogewinns vor Steuern, vermindert um 6% der dem Produkt zugerechneten Kosten und der Markenvergütung; das Ergebnis wird dann mit dem entsprechenden Nexusquotienten multipliziert.

I. Introduction

L’innovation est plus que jamais l’un des aspects centraux d’une stratégie d’entreprise efficace. Elle s’étend aujourd’hui de la recherche et du développement classique à un éventail plus large d’actifs immatériels, parmi lesquels les données, les nouveaux processus organisationnels, les compétences propres à l’entreprise, qui constituent, ensemble, ce que l’on appelle le capital intellectuel (knowledge-based capital, KBC)1. Les entreprises investissent actuellement plus rapidement dans le capital intellectuel que dans les outils de production classiques: appareils, machines et bâtiments, notamment.

Cet accroissement de l’investissement crée un besoin d’adaptation de l’environnement règlementaire et fiscal, notamment eu égard au caractère mobile du capital intellectuel qui est par nature difficile à isoler, particulièrement pour les Etats qui cherchent à imposer cette source de valeur. C’est bien évidemment dans le cadre de l’imposition des multinationales, dont la croissance et les profits dépendent essentiellement de l’investissement dans les actifs intangibles, que ce problème est le plus aigu. Aujourd’hui, les actifs matériels de Nestlé ne représentent qu’une fraction de sa valeur (la capitalisation boursière est six fois plus élevée que ses actifs nets comptables), alors même que ce groupe est actif dans la vente de produits alimentaires2. Ainsi, les actifs intangibles jouent un rôle crucial même pour les sociétés dont les domaines d’activité ne sont pas liés uniquement aux sciences de l’innovation3.

Des initiatives internationales en matière fiscale, ainsi que l’adaptation de la législation fiscale des pays de l’OCDE, ont récemment abouti à de nouvelles règlementations avec pour objectif d’apporter plus de transparence dans la quantification et la localisation du capital intellectuel, plus particulièrement de certains droits de propriété intellectuelle, afin de restreindre les possibilités de planification fiscale et d’instaurer des règles plus «équitables»4. Ces initiatives concernent l’évaluation, la répartition et l’imposition des actifs intangibles.

Parallèlement, il est à prévoir que les stratégies d’optimisation internationales vont se concentrer sur la recherche et le développement fiscalement privilégiés, accroissant ainsi la documentation nécessaire afin de bénéficier de certains allègements fiscaux.

Ainsi, le capital intellectuel au sens large et la propriété intellectuelle au sens étroit feront l’objet d’une analyse individualisée, sans que, à notre connaissance, le législateur ou la doctrine se soient interrogés sur la cohérence des diverses notions retenues dans les cadres civil, règlementaire et fiscal, alors même qu’elles seront encore plus étroitement liées à l’avenir.

Il nous a paru intéressant d’examiner l’interaction entre ces deux domaines au travers de deux questions générales:

(i) Quelle influence les nouvelles dispositions fiscales sont-elles susceptibles d’avoir sur le droit civil?

(ii) Quelle influence les dispositions civiles existantes sont-elles susceptibles d’avoir sur le droit fiscal?

A cette fin, nous définirons en premier lieu la notion de propriété intellectuelle, d’abord en droit de la propriété intellectuelle, puis en droit fiscal. Nous mettrons ensuite en évidence les influences réciproques entre ces deux domaines au travers du privilège fiscal lié à la propriété intellectuelle (la licence box).

Enfin, les considérations développées aux points précédents nous permettront de répondre, au moins partiellement, aux deux questions générales soulevées dans cette introduction.

II. Notions de propriété intellectuelle

A. En droit de la propriété intellectuelle

La propriété intellectuelle est l’ensemble des droits exclusifs accordés sur les créations intellectuelles. Selon la tradition française, elle se subdivise en deux catégories: la propriété littéraire ou artistique d’une part, qui concerne les œuvres de l’esprit (droit d’auteur et droits voisins), et la propriété industrielle de l’autre, qui inclut les créations techniques (brevet d’invention, obtention végétale et topographie de semi-conducteur) et les signes distinctifs (marque et indication géographique, design et nom de domaine).

L’œuvre est définie, en droit suisse, comme toute création de l’esprit, littéraire ou artistique, qui a un caractère individuel5. Les conditions générales exposées à l’article 2 al. 1 LDA valent pour toutes les œuvres au sens de la LDA6. Le brevet d’invention est quant à lui délivré pour les inventions nouvelles utilisables industriellement7, étant précisé que l’invention est caractérisée en ce qu’elle constitue la solution d’un problème technique8. S’agissant des obtentions végétales, la protection est accordée à toutes les variétés qui sont nouvelles, distinctes, homogènes et stables9. Enfin, sont protégées les structures tridimensionnelles de produits semi-conducteurs (topographies), quel que soit leur mode de fixation ou de codage et pour autant qu’elles ne soient pas banales10.

La marque est un signe propre à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises11. On qualifie par ailleurs de design la création de produits ou de parties de produits caractérisés notamment par la disposition de lignes, de surfaces, de contours ou de couleurs, ou par le matériau utilisé12, étant précisé que, pour être protégeable, le design doit être à la fois nouveau et original (art. 2 al. 1 LDes).

La raison de commerce est quant à elle le nom de la société. A titre d’exemple, la raison sociale d’une société anonyme sert à individualiser cette dernière et à la distinguer13. L’enseigne (commerciale) se rapporte au local affecté au commerce, tandis que le nom commercial est une désignation spéciale qui s’attache à qualifier l’entreprise en tant que telle, sans lien avec le local affecté au commerce14. On relèvera que les raisons étrangères ne sont pas protégées par le code des obligations (CO), mais uniquement par la loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD15) et le code civil (CC)16.

Il est possible d’inclure dans une définition large de la propriété intellectuelle la raison de commerce, l’enseigne, le nom commercial, définis ci-dessus, ainsi que les droits afférents à l’individu, tels que le droit à la personnalité ou encore le droit à l’image. Le droit à la personnalité, exposé dans le CC, protège la dignité et la valeur de l’être humain des atteintes illicites causées par d’autres êtres humains. Le droit à l’image est une facette du droit à la personnalité, permettant à chacun de décider de l’usage de sa propre image; en conséquence, il est en principe interdit de dessiner, de peindre, de photographier ou de filmer une personne sans que celle-ci y ait consenti17.

Sont également considérés comme des actifs immatériels les secrets économiques ou industriels, qui regroupent les secrets de fabrication (informations de nature technique) et les secrets d’affaires ou secrets commerciaux (informations de nature commerciale). Le droit suisse contient quelques références aux secrets: l’article 162 du code pénal (CP18) punit la violation des secrets de fabrication et des secrets commerciaux, tandis que les articles 4 let. c et 6 LCD punissent respectivement l’incitation à trahir ou à surprendre des secrets de fabrication ou d’affaires de l’employeur ou du mandant et l’exploitation ou la divulgation de tels secrets dont la connaissance est indue.

Selon le Tribunal fédéral, «constitue un secret, au sens du ces dispositions, toute connaissance particulière qui n’est pas de notoriété publique, qui n’est pas facilement accessible, dont un fabricant ou un commerçant a un intérêt légitime à conserver l’exclusivité et qu’en fait il n’entend pas divulguer. Par secrets de fabrication, on entend les recettes et moyens de fabrication qui ne sont pas publics et qui revêtent une grande valeur pour le fabricant; par secrets commerciaux, on entend la connaissance de sources d’achat et de ravitaillement, et celles relatives à l’organisation, la calculation [sic] du prix, la publicité et la production»19.

En dernier lieu, il faut évoquer le savoir-faire, ou know-how en anglais, qui peut se définir comme l’ensemble des connaissances techniques, des méthodes et des informations commerciales. Le savoir-faire inclut ainsi également des manuels d’instruction, des formules ou encore des fichiers de clients, que ces informations soient incorporées sur un support matériel ou non. Il n’inclut toutefois pas les inventions brevetées, qui bénéficient de la protection conférée par le brevet20. Même si les notions de savoir-faire et de secret ne se recoupent pas de lege lata, on imagine aisément qu’un contrat de savoir-faire portera le plus souvent sur des informations connues exclusivement du cocontractant, faute de quoi l’intérêt commercial et juridique à pouvoir en disposer sera moindre, voire inexistant. Se basant sur le règlement européen n° 772/2004, une partie de la doctrine considère quant à elle que le savoir-faire se définit comme un ensemble d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience et testées, qui est secret, substantiel et identifié21.

B. En droit fiscal

Il n’existe pas de définition précise en droit fiscal interne suisse du terme de propriété intellectuelle22. Le droit fiscal national et international connaît depuis très longtemps la propriété intellectuelle et les actifs incorporels (ou actifs intangibles) en général, mais aucune définition légale harmonisée n’existe au niveau fédéral, bien que ces actifs soient de longue date un enjeu en matière de prix de transfert. La documentation la plus abondante à ce sujet se trouve dans les chapitres qui leur sont consacrés dans les lignes directrices en matière de prix de transfert de l’OCDE pour les entreprises multinationales et les administrations fiscales23.

Comme les flux passifs et les actifs financiers (prêt/intérêts – participation/dividendes), les entreprises peuvent facilement déplacer les actifs incorporels et leurs rendements qui sont de surcroît extrêmement difficiles à évaluer. Les multinationales jouissent d’une grande marge de manœuvre, en théorie du moins, pour allouer les actifs et leurs revenus aux diverses juridictions dans lesquelles elles sont présentes.

Dans le cadre des actions BEPS, l’OCDE définit les actifs incorporels comme
«une chose qui n’est pas un actif corporel ni un actif financier, qui peut être possédée ou contrôlée aux fins d’utilisation dans le cadre d’activités commerciales, et dont l’utilisation ou le transfert serait rémunéré(e) s’il avait lieu dans le cadre d’une transaction entre parties indépendantes dans des circonstances comparables»24.

Globalement, dans le système fiscal de l’OCDE en matière de prix de transfert et dans le cadre de l’initiative BEPS, il existe différentes catégories d’actifs incorporels, parmi lesquels nous pouvons compter25:

  • les brevets;
  • le savoir-faire et les secrets industriels et commerciaux;
  • les marques de fabrique non commerciales et marques commerciales;
  • les droits conférés par des contrats et des concessions. Il s’agit ici par exemple des droits d’exploitation de ressources naturelles ou des droits liés à l’exercice de certaines activités industrielles;
  • les licences et les droits limités sur des actifs incorporels;
  • la survaleur et la valeur d’exploitation. Il s’agit là du «goodwill»26.

Il existe encore deux types de valeurs qui ne sont pas des actifs immatériels proprement dits, mais qui peuvent affecter le prix de biens vendus et le bénéfice réalisé par une entreprise multinationale27:

  • les synergies de groupe;
  • les caractéristiques spécifiques des marchés, en termes de charges ou de recettes, soit:
    • les caractéristiques spécifiques d’un marché où les ménages ont un fort pouvoir d’achat en comparaison avec la moyenne des marchés sur lesquels une entreprise est active;
    • le niveau des charges;
    • la main d’œuvre à faible coût.

Les synergies de groupe et les caractéristiques spécifiques de marché jouent un rôle important dans la détermination de la valeur de la propriété intellectuelle chaque fois qu’elle est incluse («embedded») dans un produit, comme un médicament.

Nous allons examiner ci-dessous de quelle manière les actifs intangibles sont traités dans le cadre des conventions de double imposition et dans le cadre de la licence box.

1. Conventions de double imposition

L’article 12 al. 2 du Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune définit la notion de «redevance», ainsi que de manière large, ce qui pourrait être compris comme la propriété intellectuelle, soit le droit d’auteur sur une œuvre littéraire, artistique ou scientifique, y compris les films cinématographiques, le brevet, la marque de fabrique ou de commerce, le dessin ou le modèle, d’un plan, d’une formule ou d’un procédé secret, et le savoir-faire dans le domaine industriel, commercial ou scientifique28.

Nous serions tentés de rechercher les contours de la notion de propriété intellectuelle en nous référant à cette disposition, de son commentaire également publié par l’OCDE, ainsi qu’aux législations nationales lorsque le système conventionnel y renvoie, en raison d’une certaine cohérence juridique qui serait la bienvenue.

Cependant, la notion de propriété intellectuelle ainsi retenue est beaucoup plus large que celle définie par le projet BEPS dans le cadre des initiatives 8 à 10 en matière de prix de transfert, de l’aveu même de l’OCDE, ainsi qu’au regard de la lettre et de l’esprit du cadre strict de la licence box retenu par l’OCDE. Celle-ci prescrit même qu’il serait erroné de se baser sur les concepts applicables en matière de prix de transfert, contenus dans les initiatives 8 à 10 dans d’autres domaines (application de l’article 12 M-OCDE ou pour la comptabilisation d’actifs intangibles)29.

Dès lors, l’initiative 5 et la définition des actifs qui peuvent, selon l’OCDE, entrer dans le champ de la licence box, de même que l’application de l’approche Nexus, ne peuvent se lier aux considérations mentionnées aux Actions 8 à 10 (en matière de prix de transfert) ni aux règles de partage de la souveraineté fiscale comme celle de l’art. 12 M-OCDE30.

Les règles relatives aux actifs éligibles dans le cadre de la licence box devront donc être interprétées uniquement au travers du prisme de l’initiative 5 et non des autres chapitres BEPS ou du commentaire relatif à l’article 12 M-OCDE.

2. Cadre de la licence box

Dans le cadre des travaux de l’OCDE qui ont pour objectif d’endiguer l’érosion de base d’imposition et le transfert de bénéfices, les actifs éligibles de propriété intellectuelle ont été définis comme les brevets et les autres actifs de propriété intellectuelle qui sont «fonctionnellement équivalents au brevet si ces actifs sont à la fois juridiquement protégés et soumis à des procédures similaires d’autorisation et d’enregistrement quand de telles procédures sont pertinentes»31.

Ainsi, le savoir-faire dans le domaine industriel, commercial ou scientifique et la marque de fabrique ou de commerce sont exclus des actifs éligibles au régime préférentiel.

Nous décrirons dans le cadre du fonctionnement de la licence box les dépenses et les actifs éligibles (infra point III B).

III. Incitations fiscales instaurées par la loi fédérale relative à la réforme fiscale et au financement de l’AVS (RFFA)

Dans le cadre de cette contribution, nous nous sommes limités à la licence box et nous ne traiterons pas de la super déduction pour les dépenses de recherche et de développement.

A. Bases légales

La RFFA, entrée en vigueur au 1er janvier 2020, modifie la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes de la manière suivante:

Article 24a: Brevets et droits comparables: définitions

  1. Sont réputés brevets:
    a. les brevets au sens de la Convention du 5 octobre 1973 sur le brevet européen dans sa version révisée du 29 novembre 2000 désignant la Suisse;
    b. les brevets au sens de la loi du 25 juin 1954 sur les brevets;
    c. les brevets étrangers correspondant aux brevets visés aux let. a et b.
  2. Sont réputés droits comparables:
    a. les certificats complémentaires de protection au sens de la loi du 25 juin 1954 sur les brevets ainsi que la prolongation de leur durée;
    b. les topographies protégées en vertu de la loi du 9 octobre 1992 sur les topographies;
    c. les variétés végétales protégées en vertu de la loi fédérale du 20 mars 1975 sur la protection des obtentions végétales;
    d. les données protégées en vertu de la loi du 15 décembre 2000 sur les produits thérapeutiques;
    e. les rapports protégés en vertu d’une disposition d’exécution de la loi du 29 avril 1998 sur l’agriculture;
    f. les droits étrangers correspondant aux droits visés aux let. a à e.

Article 24b: Brevets et droits comparables: imposition

  1. Si le contribuable en fait la demande, le bénéfice net provenant de brevets et de droits comparables est pris en compte dans le calcul du bénéfice net imposable en proportion des dépenses de recherche et de développement éligibles par rapport aux dépenses totales de recherche et de développement par brevet ou droit comparable (quotient Nexus) avec une réduction de 90%. Les cantons peuvent prévoir une réduction moindre.
  2. Le bénéfice net provenant de brevets et de droits comparables qui sont inclus dans les produits est déterminé en soustrayant du bénéfice net de chacun de ces produits 6% des coûts attribués à ces produits ainsi que la rémunération de la marque.
  3. Lorsque le bénéfice net provenant de brevets et de droits comparables est imposé pour la première fois de façon réduite, les dépenses de recherche et de développement qui ont déjà été prises en compte lors de périodes fiscales antérieures, ainsi qu’une éventuelle déduction au sens de l’art. 25a, sont ajoutées au bénéfice net imposable. Une réserve latente imposée doit être constituée dans la mesure du montant ajouté. Les cantons peuvent garantir cette imposition d’une autre manière dans un délai de cinq ans à compter du début de l’imposition réduite.
  4. Le Conseil fédéral édicte des dispositions complémentaires, notamment sur:
    a. le calcul du bénéfice net provenant de brevets et de droits comparables imposable de façon réduite et, notamment, le quotient Nexus;
    b. l’application de la réglementation aux produits qui ne présentent que de faibles différences entre eux et se fondent sur les mêmes brevets et droits comparables;
    c. les obligations en matière de documentation;
    d. le début et la fin de l’imposition réduite, et
    e. le traitement des pertes provenant de brevets et de droits comparables.

Le Conseil fédéral a édicté une ordonnance relative à l’imposition réduite des bénéfices provenant de brevets et de droits comparables qui traite des dispositions d’exécution telles que présentées dans l’alinéa 4 de l’article 24b LHID.

B. Fonctionnement de la licence box selon BEPS

Nous décrirons ci-dessous le cadre rigide dans lequel les Etats peuvent légiférer et créer une licence box qui ne sera pas considérée comme un régime de concurrence déloyale selon l’Action 5 qui encadre les régimes préférentiels fiscaux dans le cadre de l’OCDE (dite Action 5).

Chaque régime spécifique de chaque Etat devra prévoir qu’une activité substantielle (exigence de substance) soit exercée dans le pays dans lequel le régime est accordé32.

Cette importance accrue conférée à la substance peut se traduire dans le cadre des régimes de propriété intellectuelle de trois façons différentes33:

  • premièrement, par la prise en compte de la chaine de valeur au sein de l’entreprise qui devrait mettre en évidence une activité substantielle dans le pays concerné par le régime préférentiel;
  • deuxièmement, par une analyse de prix de transfert basée sur les fonctions, les risques et les actifs;
  • dernièrement, par le choix de l’approche du lien (nexus) qui a été adoptée par le FHTP.

C’est l’approche du lien qui a été finalement préconisée par l’Action 5, conduisant ainsi, en matière de droit fiscal international, à la coexistence des trois méthodes, chacune applicable dans des domaines différents, mais potentiellement pour la même entreprise34.

Ce sont les dépenses engagées (aspect input) qui permettront de déterminer l’étendue du privilège fiscal sur le bénéfice (aspect output) dont les contribuables profiteront dans une juridiction déterminée35. Selon l’approche du lien préconisée par l’Action 5, on examine si le régime préférentiel en question octroie les allègements fiscaux en fonction des activités de recherche et de développement menées directement par les contribuables. Ce sont les dépenses réellement engagées qui doivent permettre de déterminer le privilège fiscal dont les contribuables vont profiter dans une juridiction déterminée.

La proportion des dépenses ayant un rapport direct avec des activités de recherche et de développement par rapport à toutes les dépenses engagées dans ce domaine déterminera la part proportionnelle du bénéfice de l’entreprise qui devra être fiscalement privilégiée36.

Ainsi, les dépenses servent à déterminer dans quelle mesure une activité peut être considérée comme substantiellement exercée dans une juridiction. En d’autres termes, les dépenses qui doivent être prises en compte pour déterminer le ratio applicable sont celles qui ont un rapport direct avec des activités de développement, soit les dépenses éligibles effectuées par le contribuable lui-même. Ces dépenses seront ensuite rapportées au total des dépenses, en incluant celles qui auraient été éligibles si elles avaient été effectuées par le contribuable lui-même37.

1. Les contribuables pouvant bénéficier de la licence box

Les contribuables qui sont éligibles au régime préférentiel en matière de droits de propriété intellectuelle comprennent toutes les personnes au sens de l’article 4 du Modèle OCDE ainsi que les établissements stables situés dans un autre pays que celui de résidence de la personne physique ou de la personne morale38.

2. Les actifs éligibles

Dans le cadre de ses travaux sur l’effort d’endiguer l’érosion de base d’imposition et le transfert de bénéfices, l’OCDE a défini de manière exemplative les actifs de propriété intellectuelle éligibles39. Il s’agit:

  • des brevets au sens étroit;
  • des autres actifs de propriété intellectuelle qui sont «fonctionnellement équivalents au brevet si ces actifs sont à la fois juridiquement protégés et soumis à des procédures similaires d’autorisation et d’enregistrement quand de telles procédures sont pertinentes. Les actifs de propriété intellectuelle qui sont fonctionnellement équivalents à des brevets sont (i) les brevets au sens large, (ii) les logiciels protégés par des droits d’auteur et, (iii) dans certaines circonstances énoncées ci-dessus d’autres actifs de propriété intellectuelle qui sont non évidents, utiles et nouveaux»40.

(i) La première catégorie d’actifs fonctionnellement équivalents comprend les brevets au sens étroit, les modèles d’utilité, les protections relatives aux plantes et au matériel génétique, la désignation des médicaments orphelins et les extensions de protection par brevet41.

Les «modèles d’utilité», sans égard à leur désignation par le droit national de chaque Etat, qui protègent généralement les adaptations par une procédure de brevet moins complexe et pour une période relativement plus courte, sont également compris dans la définition des actifs de propriété intellectuelle («petty patents», «innovation patents» et «short term patents»). Nous pouvons également citer les droits qui protègent les plantes et le matériel génétique, y compris les certificats d’obtention végétale. Ainsi, les brevets et l’extension de leur protection sont protégés.

(ii) Les actifs de propriété intellectuelle de deuxième catégorie comprennent le logiciel protégé par le droit d’auteur42.

(iii) La troisième catégorie d’actifs de propriété intellectuelle qui sont éligibles au régime plus favorable de la licence box comprend les actifs qui ne correspondent à aucune des deux catégories, mais qui possèdent les caractéristiques principales d’un brevet: leur caractère non évident, utile et nouveau43. Ces actifs doivent être susceptibles de certification à travers un processus transparent par un organisme gouvernemental indépendant de l’administration fiscale44.

  • En droit suisse de la propriété intellectuelle, les actifs immatériels ne se retrouvent pas intégralement dans les catégories précitées. Ainsi, la notion de brevet «au sens étroit» doit être comprise comme le brevet d’invention tel qu’il a été défini ci-dessus (supra II. A).

S’agissant à présent des actifs de propriété intellectuelle dits «équivalents», il est également difficile de trouver un équivalent aux brevets «au sens large» dans la législation suisse: on ne saurait ici inclure les modèles d’utilité, car le droit suisse ne connaît pas cette notion et ne permet, de ce fait, pas de les protéger.

Quant au matériel génétique, l’article 2 al. 1 LBI45 exclut de la brevetabilité «Les inventions dont la mise en œuvre porterait atteinte à la dignité humaine ou à l’intégrité des organismes vivants, ou serait d’une autre manière contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, ne peuvent être brevetées». Ainsi, à titre d’exemple, aucun brevet ne pourra être délivré pour les procédés de clonage d’êtres humains et les clones ainsi obtenus46, pour les procédés de parthénogenèse recourant à du matériel germinal humain et les parthénotes ainsi obtenus47, pour les procédés de modification de l’identité génétique germinale de l’être humain et les cellules germinatives ainsi obtenues48 ou encore pour les cellules souches et les lignées de cellules souches d’embryons humains non modifiées49.

S’agissant des médicaments orphelins, à savoir des médicaments destinés au traitement de maladies qui sont suffisamment rares pour que les entreprises pharmaceutiques ne les développent pas dans les conditions habituelles de mise dans le commerce, ils sont évoqués dans la loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux (ou loi sur les produits thérapeutiques, LPTh50): l’Institut suisse des produits thérapeutiques prévoit en effet des procédures simplifiées d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour les «médicaments importants pour des maladies rares» (ou médicaments orphelins), dès lors que «cela est compatible avec les exigences en matière de qualité, de sécurité et d’efficacité, et qu’aucun intérêt de la Suisse ni aucun engagement international ne s’y opposent»51. On précisera que les maladies rares touchent moins de cinq personnes sur CHF 10 000.–52.

Les extensions de protection par brevet sont appelées certificats complémentaires de protection en droit suisse. Lorsque l’invention qui est protégée par le brevet est un principe actif (ou une composition d’un principe actif) d’un médicament, son exploitation commerciale est subordonnée à la délivrance d’une autorisation par l’autorité compétente, dite autorisation de mise sur le marché (AMM) (p. ex. Swissmedic pour les médicaments53). Le but est d’éviter que, durant la période d’octroi de cette autorisation, le brevet, qui est valable depuis sa délivrance, mais dont le principe actif dont l’invention est brevetée ne peut pas encore être mis sur le marché, ne puisse pas être utilisé par son titulaire.

C’est la raison pour laquelle l’IFPI délivre, sur demande, des certificats complémentaires de protection (certificats) pour des principes actifs ou des compositions de principes actifs d’un médicament54. Le certificat est délivré si, au moment de la demande, le produit en tant que tel, un procédé de fabrication de ce produit ou son utilisation sont protégés par un brevet et si le produit a obtenu une autorisation officielle de mise sur le marché en tant que médicament en Suisse55. Le certificat complémentaire de protection est valable à partir de l’expiration de la durée maximale du brevet, mais pour cinq ans au maximum56.

Le modèle d’utilité (ou utility model en anglais), parfois appelé «brevet mineur» ou «petit brevet», est octroyé pour une durée inférieure au brevet. Les conditions d’octroi du modèle d’utilité sont moins strictes que celles permettant d’obtenir un brevet: la condition de la nouveauté doit également être remplie s’agissant du modèle d’utilité, mais l’exigence relative à l’activité inventive ou à la non-évidence est, selon les législations nationales, moins importante, voire inexistante. Le but du modèle d’utilité est de ce fait de protéger des innovations à caractère complémentaire ou secondaire, lorsque les conditions de brevetabilité ne sont pas remplies. La législation suisse ne connaît pas le modèle d’utilité, contrairement à un certain nombre de pays européens (p. ex. Allemagne, Autriche, Belgique ou Italie) ou extra-européens (p. ex. Australie, Japon ou Taïwan).

Les protections relatives aux plantes doivent être comprises comme les obtentions végétales telles que définies par la LPOV57. Cette loi protège les nouvelles variétés, à savoir un ensemble végétal d’un taxon botanique58. La protection des variétés octroie à leur titulaire un monopole d’exploitation commerciale59. La protection échoit à la fin de la vingt-cinquième année civile qui suit la délivrance du titre et à la fin de la trentième année civile pour les variétés de vignes et d’arbres60.

  • Sous réserve d’inventions faisant appel à des logiciels (p. ex. en matière de pilotage électronique), le droit suisse ne permet pas de breveter un logiciel (ou programme d’ordinateur). C’est donc par le biais de la loi fédérale sur le droit d’auteur et les droits voisins (LDA) que les logiciels peuvent être protégés61. On relèvera cependant qu’une idée technique en tant que telle ne saurait être protégée par le droit d’auteur, dont la protection «beschränkt sich (…) auf den konkreten Schutz der Idee»62. En d’autres termes, le contenu technique lui-même n’est pas protégé par le droit d’auteur: seule sa représentation concrète peut l’être63.

En conséquence, le code source et les versions exécutables, de même que la documentation liée au logiciel, bénéficient de la protection conférée par la LDA. En revanche, les idées et concepts, de même que les algorithmes du logiciel, ne sont pas protégeables; on peut en revanche imaginer que ces éléments le soient par le biais de la concurrence déloyale, si l’on admet qu’ils sont demeurés confidentiels et qu’ils constituent un savoir-faire.

Il convient de préciser que seuls les contribuables dont le chiffre d’affaires mondial n’excède pas 50 millions d’euros et dont les revenus bruts issus de la totalité des actifs de propriété intellectuelle ne dépassent pas 7,5 millions d’euros sur une moyenne sur cinq ans peuvent considérer les actifs de troisième catégorie (supra III. B.2. iii) comme des actifs privilégiés64.

La règlementation OCDE va jusqu’à prévoir que les seuils doivent être calculés chaque année en utilisant une moyenne sur cinq ans revue annuellement65.

A noter que l’octroi d’un avantage fiscal à cette dernière catégorie doit faire l’objet d’une information spécifique à un organe de l’OCDE, au FHTP (organe de l’OCDE)66.

Selon nous, une société qui, pour des raisons de coûts ou de confidentialité, renoncerait à faire protéger son invention par un brevet pourrait également profiter des allégements de la licence box, en raison du principe de l’égalité de traitement67.

3. Les dépenses éligibles (numérateur)

Les dépenses doivent être analysées pour déterminer le ratio entre les dépenses liées à la propriété intellectuelle et les autres dépenses; ce ratio déterminera ensuite la proportion des bénéfices qui pourront bénéficier d’un privilège fiscal68.

Les dépenses éligibles doivent avoir un lien (i) de nature directe avec (ii) un ou plusieurs actifs de propriété intellectuelle issu(s) du catalogue des actifs éligibles69. Les coûts qui ne pourraient pas être directement liés à un actif de propriété intellectuelle spécifique, mais à plusieurs d’entre eux, peuvent être ventilés70. En effet, si des dépenses ont été engagées et qu’elles ne peuvent être attribuées à un actif précis alors qu’elles revêtent sans aucun doute un aspect de recherche et de développement à caractère général ou spéculatif, il serait admissible de les répartir au pro rata entre des actifs ou des produits de propriété intellectuelle de l’entreprise considérée.

En l’absence d’un lien direct avec un actif précis, selon l’OCDE, sont exclus des dépenses éligibles les charges d’intérêts et les coûts de construction et d’acquisition71.

En outre, il existe une possibilité de majoration («up lift») des dépenses éligibles d’un montant maximum de 30% dont l’introduction est laissée à la discrétion des Etats. Cette majoration a pour but de ne pas pénaliser outre mesure les sociétés qui sous-traitent partiellement le développement de leur propriété intellectuelle à des parties liées (sociétés du même groupe)72.

Cette majoration permet au contribuable qui est titulaire d’actifs de propriété intellectuelle de façon dérivée ou qui externalise la recherche et le développement de se voir reconnaître, du moins partiellement, ses dépenses et ainsi augmenter son ratio de lien.

Il serait possible de permettre l’inclusion dans les dépenses éligibles, des dépenses effectuées pour rémunérer une partie non liée73. Les juridictions nationales devront définir la notion de «partie non liée» (l’OCDE mentionne une liste exemplative de ces parties, soit les universités, hôpitaux et autres entités à but non lucratif sans rapport avec le contribuable)74. Une partie de la recherche et du développement pourrait être externalisée sans perte d’un avantage fiscal.

Il convient de préciser que la Suisse, en tant que pays non-membre de l’UE, peut inclure dans les dépenses éligibles les charges acquittées à des parties liées résidentes en Suisse75.

4. Les dépenses totales (dénominateur)

Le montant des dépenses totales, en relation avec le calcul du lien, correspond à la somme de toutes les dépenses qui auraient été considérées comme éligibles si elles avaient été effectuées par le contribuable76.

Ainsi, les paiements d’intérêts, les coûts de construction des immeubles / locaux commerciaux ou d’autres coûts ne peuvent être inclus dans les dépenses totales et ainsi n’ont aucune influence sur le calcul du lien et donc du privilège fiscal77.

Il existe cependant une exception au principe: les coûts d’acquisition de la propriété intellectuelle doivent être inclus dans les dépenses totales bien qu’elles n’aient pas le caractère de dépenses éligibles, car elles sont une mesure approximative des dépenses en matière de propriété intellectuelle des contribuables78.

Il en va de même des dépenses d’externalisation (outsourcing) à des parties non liées ou liées résidentes en Suisse, pour les entreprises basées en Suisse79.

5. Le revenu global

Le revenu global sera déterminé par la législation de chacune des juridictions dans lesquelles un régime correspondant sera introduit. Ce revenu global sera défini en application des règles en matière de prix de transfert80.

L’Action 5 prévoit deux règles que les législations nationales doivent respecter dans la fixation de ce revenu global:

  • Le revenu qui bénéficie du régime ne doit pas être disproportionnel au point de donner un avantage fiscal supplémentaire au contribuable81;
  • Le revenu doit se limiter au revenu d’un actif de propriété intellectuelle (redevances, plus-values ou autres revenus ou même vente de produits ou licences qui ont un rapport direct avec un actif de propriété intellectuelle)82.

6. Le suivi du revenu et des dépenses

L’approche choisie par l’OCDE et le G20 nécessite un suivi très attentif de la part des entreprises non seulement de leurs revenus, mais également de leurs dépenses en matière de propriété intellectuelle, que ce soit au sens strict (dépenses éligibles et revenus éligibles) comme au sens large (revenu global et charges totales).

Par ailleurs, les acquisitions d’actifs de propriété intellectuelle devront donner lieu à des évaluations en fonction du prix de pleine concurrence des actifs de pays transférés.

Cet exercice sera encore plus difficile dans le cadre de la détermination du privilège fiscal dans le cadre des actifs de propriété intellectuelle compris dans la vente de produits.

7. Les règles selon la RFFA

L’Ordonnance relative à l’imposition réduite des bénéfices provenant de brevets et de droits comparables prévoit une méthode de calcul du revenu de brevets ou droits comparables imposables à taux réduit lorsque les brevets et droits comparables sont inclus dans un produit83. Il est calculé sur la base du bénéfice net avant charge d’impôt provenant du produit diminué de 6% des coûts attribués au produit et de la rémunération de la marque; le résultat est ensuite multiplié par le quotient Nexus correspondant.

S’il n’est pas possible de constater le bénéfice net par produit, le résultat financier, le résultat immobilier, le résultat de participations et les autres résultats qui ne sont pas imputables à un produit incluant un brevet ou un droit comparable sont déduits du bénéfice net imposable total avant charges d’impôts pour obtenir le bénéfice net des produits incluant un brevet ou un droit comparable.

IV. Conclusion

Les domaines fiscaux et civils seront étroitement interdépendants dans le cadre de l’imposition des actifs de propriété intellectuelle dans le futur.

Théoriquement, les dispositions fiscales BEPS n’ont ni la vocation, ni l’effet d’influencer les dispositions de droit civil et réglementaire en matière de propriété intellectuelle. Nous pouvons même ajouter que les dispositions adoptées par l’OCDE n’ont pas non plus pour but d’influencer les dispositions de droit fiscal interne, ni même les règles de comptabilisation et d’évaluation des actifs de propriété intellectuelle.

Néanmoins, il serait tentant d’étendre le catalogue des droits protégés pour accroître la compétitivité de la Suisse. Cependant, la précision du catalogue de droits éligibles rédigé par l’OCDE rend hasardeuse toute initiative dans ce domaine.

A l’inverse, l’influence majeure du droit civil sur le droit fiscal repose sur le cadre contraignant qu’il trace pour délimiter les actifs susceptibles de bénéficier des privilèges fiscaux relatifs à la licence box.

En effet, c’est en fonction de notions et de critères extra-fiscaux qu’il est possible de déterminer si les rendements d’un actif doivent être privilégiés ou non.

S’agissant du cadre restrictif imposé par l’OCDE, on peut légitimement s’interroger sur l’opportunité économique de privilégier certains actifs (brevets au sens large) au détriment d’autres actifs comme les marques.

La complexité du système et les investissements qui devront être consentis pour bénéficier du privilège fiscal offert par la licence box sont par ailleurs regrettables, surtout dans une période où la croissance est faible, voire de récession.

Sur un plan pratique, la coexistence de plusieurs modèles d’imposition de l’activité autour de la propriété intellectuelle (Nexus, prix de transfert et chaîne de valeur) va engendrer des complications au niveau de la déclaration des revenus et des actifs concernés. Il est également à craindre que les différents modèles ne révèlent des différences importantes dans l’évaluation de ces mêmes revenus/actifs selon chacune de ces méthodes, sans qu’une solution existe pour réconcilier ces méthodes.

Enfin, il est à craindre que l’échange d’informations entre Etats en matière fiscale ne rende les entreprises plus vulnérables dans certains pays, en fragilisant la protection dont elles bénéficient en matière de propriété intellectuelle.


Fussnoten

OECD Multilingual Summaries Supporting Investment in Knowledge Capital, Growth and Innovation, 2013, (résumé en français), p. 1

Price to Book Ratio de 6.4143 au 11 septembre 2019 https://www.bloomberg.com/quote/NESN:S.

Il convient de préciser ici que certains actifs intangibles peuvent être comptabilisés, comme nous le verrons ci-dessous.

Exposé des actions BEPS/OCDE 2015 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices, p. 5

Art. 2 al. 1 de la loi fédérale sur le droit d’auteur et les droits voisins (LDA; RS 231.1); cf. également Dessemontet, La propriété intellectuelle et les contrats de licence, 2e édition, Lausanne, 2011, p. 16 ss., ch. 11 ss.

Carron/Kraus/Krüsi/Férolles, Le droit d’auteur des planificateurs – Un guide sur le droit d’auteur et autres droits de propriété intellectuelle à l’attention des architectes, des ingénieurs et des spécialistes du droit de la construction, Zurich, 2015, p. 48, ch. 4.1

Art. 1 al. 1 de la loi fédérale sur les brevets d’invention (LBI); cf. également Dessemontet, op. cit., p. 176 ss., ch. 193 ss.

Scheuchzer, Propriété intellectuelle, Bâle, 2013, p. 1511, ch. 28 ad art. 1

Art. 8b al. 1 de la loi fédérale sur la protection des obtentions végétales (LPOV); cf. également Dessemontet, op. cit., p. 491, ch. 677

Art. 1 al. 1 de la loi fédérale sur la protection des topographies de produits semi-conducteurs (LTo; RS 231.2)

Art. 1 al. 1 de la loi fédérale sur la protection des marques et des indications de provenance (LPM; RS 232.11)

Art. 1 de la loi fédérale sur la protection des designs (LDes; RS 232.12)

Forstmoser/Meier-Hayoz/Nobel, Schweizerisches Aktienrecht, Berne, 1996, p. 100, ch. 11 ad § 8

ATF 130/2004 III 58, c. 5.2

RS 241

Dessemontet, op. cit., p. 470, ch. 633 ss.

ATF 138/2012 II 346 c. 8

RS 311.0

ATF 103/1977 IV 283, c. 2b

Cherpillod, La fin des contrats de durée, publication n° 10 du CEDIDAC, Lausanne, 1988, p. 231, ch. 411; cf. également Schlosser, Der Know-how-Vertrag, sic! 3/1998, p. 270, ch. 3 et les références citées

Alberini, Le transfert de technologie en droit communautaire de la concurrence – Mise en perspective avec les règles applicables aux accords de recherche et développement, de production et de distribution, Zurich, 2010, p. 114; cf. également Meili, Der Schutz von Know-how nach schweizerischem und internationalem Recht – Anpassungsbedarf aufgrund des TRIPS-Abkommens?, Berne, 2000, p. 4 ss.; Şehirali, Schutz des Know-how nach türkischem, deutschem und europäischem Recht: Ein rechtsvergleichender Beitrag, Cologne, 2004, p. 5 ss.

Hinny, Steuerliche Behandlung von Immaterialgüterrechtengemäss Unternehmenssteuerreform III, inIFF Forum für Steuerrecht, 2016p. 210

Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales, chapitre VII.

Rapport final BEPS Actions 8-10 Aligner les prix de transfert calculés sur la création de valeur, p. 71; cf. également Hinny, op. cit., p. 211

Rapport final BEPS Actions 8-10 Aligner les prix de transfert sur calculés sur la création de valeur, p. 74 et ss.

En relation avec ce dernier point, il convient de préciser que l’approche économique retenue dans le cadre théorique des prix de transfert n’est pas identique à celle retenue en évaluation d’entreprise. La survaleur en prix de transfert doit permettre de prendre en compte un élément qui doit servir à ajuster le prix entre deux parties pour une transaction précise, Rapport final BEPS Actions 8-10 Aligner les prix de transfert sur calculés sur la création de valeur p. 77 s.

Rapport final BEPS Actions 8-10 Aligner les prix de transfert sur calculés sur la création de valeur, p. 78

Zweifel/Beusch/Matteotti, Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, Internationales Steuerrecht, Basel (Helbing Lichtenhahn Verlag) 2015, p. 946

Rapport final BEPS Actions 8-10 Aligner les prix de transfert sur calculés sur la création de valeur, p. 73

Rapport final BEPS Actions 8-10 Aligner les prix de transfert sur calculés sur la création de valeur, p. 73

BEPS Action 5, p. 26

BEPS Action 5 chap. 4 points 23 et ss.

Gentsch/Matteotti/Roth, Steuerliche Förderung von Forschung und Entwicklung, ST 4/15 p. 305

BEPS Action 5 chap. 4 points 26 ss.

BEPS Action 5 chap. 4 points 28 ss.

BEPS Action 5 chap. 4 point 28

BEPS Action 5 chap. 4 point 30

BEPS Action 5 chap. 4 point 33

BEPS Action 5 chap. 4 point 34

BEPS Action 5 chap. 4 point 35

BEPS Action 5 chap. 4 point 35

BEPS Action 5 chap. 4 point 36

BEPS Action 5 chap. 4 point 37

BEPS Action 5 chap. 4 point 37

RS 232.14

Art. 2 al. 1 let. a LBI

Art. 2 al. 1 let. c LBI

Art. 2 al. 1 let. d LBI

Art. 2 al. 1 let. e LBI

RS 812.21

Art. 14 al. 1 let. f LPTh

Fiche d’information « Médicaments orphelins (Orphan Drugs) » de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), Division Communication et Campagnes, du 15 octobre 2014

www.swissmedic.ch

Art. 140a al. 1 LBI

Art. 140b al. 1 LBI

Art. 140e al. 1 et 2 LBI

RS 232.16

Art. 2 al. 1 LPOV

Art. 5 et 6 a contrario LPOV

Art. 14 LPOV

Art. 2 al. 3 LDA

ATF 64/1938 II 162 c. 3 a in fine ou JT 1938 I 522 MAAG; cf. également von Büren/Meer, Der Werkbegriff, in SIWR II/1 Urheberrecht und verwandte Schutzrechte, 2ème éd., Bâle, 2006, p. 109 et les références citées

Rehbinder, Schw. Urheberrecht, 3e éd., Berne, 2000, p. 101, ch. 90

Hausmann/Roth/Meyer-Nandi, Die Patentbox als Steuerplanungsmodell für KMU, EF 3/16 p.188; BEPS Action 5 chap. 4 points 37

BEPS Action 5 note de fin de chapitre 4, numéro 7

BEPS Action 5 chap. 4 point 37

Gentsch/Matteotti/Roth, Steuerliche Förderung von Forschung und Entwicklung, ST 4/15 p. 313

BEPS Action 5 chap. 4 point 39

BEPS Action 5 chap. 4 point 39

BEPS Action 5 chap. 4 point 39

BEPS Action 5 chap. 4 point 39

BEPS Action 5 chap. 4 point 40

BEPS Action 5 chap. 4 points 49 et 50

Hausmann/Roth/Meyer-Nandi, Die Patentbox als Steuerplanungsmodell für KMU, EF 3/16 p. 192

BEPS Action 5 note de fin de chapitre 4, numéro 16 et article 25a al. 1 de la RFFA

BEPS Action 5 chap. 4 point 42

BEPS Action 5 chap. 4 point 42

BEPS Action 5 chap. 4 point 42

BEPS Action 5 note de fin de chap. 4, numéro 16 et article 25a al. 1 de la RFFA

BEPS Action 5 chap. 4 point 46

BEPS Action 5 chap. 4 point 47

BEPS Action 5 chap. 4 point 48

Article 3 de l’ordonnance relative à la patent box