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Critique: Droit fiscal international

Critique: Droit fiscal international

Daniel de Vries Reilingh / Christian Chillà: Droit fiscal international. Critique
de Robert Danon

Robert Danon

Prof. Dr. iur., Université de Lausanne, Danon, Lausanne

Paru dans la publication suivante

Critique: Droit fiscal international
Ausgabe
Seite(n)
581-582

Daniel de Vries Reilingh / Christian Chillà

Droit fiscal international

2022, 342 pages

CHF 88.–

Édition Helbing Lichtenhahn

Bâle

À commander sur www.cosmosverlag.ch

L’ouvrage du Professeur Daniel de Vries Reilingh et de Maître Christian Chillà, Droit fiscal international, représente une nouvelle contribution romande à l’étude de cette matière dont l’importance n’est plus à démontrer. Ce précis, centré principalement sur les conventions de double imposition (CDI), sera notamment utile aux étudiant(e)s entamant un cursus en droit fiscal international, voire aux praticiens souhaitant bénéficier d’une introduction claire et précise à la matière. L’ouvrage comprend cinq parties.

La première partie introductive est consacrée aux sources du droit fiscal international ainsi qu’au problème de la double imposition internationale au sens large, c’est-à-dire non seulement celle liée aux conflits d’assujettissement mais également aux conflits de qualification et d’attribution. Les auteurs évoquent également la genèse et l’importance pratique du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE et des Nations-Unies sans oublier, naturellement, l’interprétation des CDI suivant les règles posées par la Convention de Vienne sur le droit de traités. C’est également dans cette partie introductive que les auteurs choisissent d’évoquer un thème qui nous est cher, celui de l’abus des CDI. Certes, cette question est d’importance générale. Cela étant, il nous paraît qu’il eût été préférable de rattacher ce thème au champ d’application personnel des CDI (suivant en cela du reste la structure des commentaires des modèles de conventions fiscales), voire encore et plus logiquement, de le traiter à l’issue de l’interprétation et de l’application «ordinaire» des CDI, conjointement avec la clause de limitation des avantages conventionnels figurant désormais à l’art. 29 MC OCDE.

La seconde et la troisième partie de l’ouvrage sont respectivement consacrées au champ d’application et aux règles de partage des CDI. Le lecteur sera également initié au fonctionnement de l’art. 9 MC OCDE et aux méthodes de prix de transfert. Dans une quatrième partie, les auteurs abordent ensuite le problème de l’élimination de la double imposition par l’État de résidence suivant les art. 23 A et B MC OCDE. La dernière et cinquième partie du précis est intitulée «Les dispositions administratives». En réalité, cette dernière partie est bien plus riche qu’elle n’y paraît: cette partie aborde en effet successivement le principe de non-discrimination (art. 24 MC OCDE), la procédure amiable et l’arbitrage (art. 25 MC OCDE), l’échange de renseignements (art. 26 MC OCDE), l’assistance en matière de recouvrement des impôts (art. 27 MC OCDE) et, finalement, la limitation du droit aux avantages conventionnels (art. 29 MC OCDE). Deux remarques s’imposent ici. La première, d’ordre matériel, a trait à l’expression «dispositions administratives». Cette dénomination, même interprétée très largement, nous paraît peu appropriée en ce qui concerne en particulier le principe de non-discrimination et la limitation du droit aux avantages conventionnels. Une référence aux «dispositions spéciales», utilisée par le MC OCDE, eût été plus opportune. Cela étant, l’importance pratique de ces dispositions est aujourd’hui telle qu’un chapitre séparé aurait pu être consacré à chacune d’entre elles.

La parution de l’ouvrage intervient à un moment où le droit fiscal international classique est amené à faire face à des défis sans précédent. En premier lieu, les normes de droit fiscal international ne sont plus cantonnées aux CDI. Sous l’impulsion des travaux de l’OCDE et du Cadre Inclusif sur le BEPS, des normes, qui méritent à notre sens aussi la qualification de règles fiscales internationales, sont désormais directement introduites en droit interne. Cette tendance, qui débuta notamment en 2015 avec les règles destinées à éradiquer la concurrence fiscale dommageable (Action BEPS no 5), atteint désormais son paroxysme avec la transposition de l’impôt minimum mondial («GLoBE») sous la forme de règles modèles dans les législations nationales. Fort heureusement, la Suisse est parvenue à trouver un modèle de mise en œuvre efficace et pragmatique. Cela étant, pour de nombreux États, la transposition de ce nouvel impôt en droit interne soulève d’épineuses questions. Plus fondamentalement, l’émergence de telles normes fiscales internationales en dehors du droit des traités marque-t-elle le début de l’érosion des CDI? En second lieu, le mécanisme de la procédure amiable, issu des règles sur la protection diplomatique et centré sur les CDI, sera-t-il à même de relever les défis posés par ce que l’on peut désormais aujourd’hui qualifier de «nouvel ordre fiscal international» (néanmoins encore fragile)? Et finalement, quel rapport ce nouvel ordre entretiendra-t-il avec le droit international général ainsi qu’avec certains de ses sous-systèmes voisins (comme le droit international de l’investissement)? Pour reprendre les termes de la Commission du droit international, existe-t-il aujourd’hui un risque de «fragmentation» entre le droit fiscal international et le droit international général? Autant de questions que les auteurs pourraient souhaiter aborder (ou à tout le moins survoler) dans une prochaine édition de leur ouvrage que nous nous réjouissions déjà de découvrir.