
Nom: Yves Noël
Profession/position: Professeur de droit fiscal à l’Université de Lausanne, avocat
Famille: en couple, quatre enfants
Loisirs: chant classique, littérature, fondations culturelles
Pourquoi êtes-vous devenu avocat et professeur de droit fiscal? Sinon, qu’auriez-vous fait?
J’ai toujours aimé le défi de comprendre les choses «compliquées». Au moment de choisir un sujet de doctorat, j’ai hésité entre deux branches considérées comme «compliquées»: le droit fiscal international ou le droit international privé. La difficulté à résoudre pour concilier deux ordres juridiques concurrents, je la trouvais très motivante. En dehors du droit, j’aurais été jardinier ou écrivain: passer ses journées dans des jardins, à les embellir, ou dans des cafés à observer le monde et écrire, what a life!
Est-ce que vous vivez pour le droit fiscal?
Non, sans littérature ni musique, une journée pleine seulement de droit fiscal ne comble pas mes aspirations.
Avez-vous une devise de vie?
J’aimerais avoir celle, magnifique, de Ste Thérèse d’Avila: «aventurez la vie!» mais je suis finalement resté bien sage: fiscaliste suisse … peut-on imaginer moins aventureux?!
Sur quel sujet avez-vous radicalement changé votre opinion et pourquoi?
Je pensais au début de mes études que le Droit était un monument indestructible de civilisation et constate au terme, bientôt, de mon Professorat qu’il est bien plus fragile, et donc à défendre et protéger.
Qui ou quelle est votre muse?
Plusieurs muses: Bach, Proust, Félix Vallotton et pour le droit fiscal une figure plus austère, mais protectrice du Citoyen, le principe de la légalité.
Quel était votre métier de rêve lorsque vous étiez enfant – et pourquoi cela n’a‑t‑il pas abouti?
Astronome, mais je n’ai pas suivi Ste Thérèse d’Avila …
Qu’est-ce qui vous met en colère?
Le fait que l’inculture de droite – le trumpisme – et l’inculture de gauche – le wokisme – menacent de mort ce qui fait notre civilisation depuis Aristote: la Nuance.
Qu’est-ce qui vous fait rire?
L’autre Proust, Gaspard, un humoriste français, qui avait pourtant commencé sa vie professionnelle à … HEC-Lausanne!
Où se trouve votre lieu de prédilection?
Les terrasses de café à Paris et Amsterdam.
Que faites-vous pendant votre temps libre? En avez-vous au moins?
Depuis l’adolescence, je chante dans des chœurs de musique classique. Nous suivons des concerts et des festivals classiques ou d’opéra. Je lis dans mon jardin, après l’avoir tondu et taillé. Et je skie en famille en Valais!
Qui aimeriez-vous rejoindre pour boire un verre après le travail?
Emil, pour qu’il m’explique ce qu’on comprend par «prix fixe» en suisse-allemand quand on achète un avion.
Que prendriez-vous sur une île déserte (max. trois choses)?
«À la recherche du temps perdu» de Marcel Proust, tout Bach et une caisse de Talisker, dix ans d’âge.
Quel livre lisez-vous en ce moment?
«Jeune femme dans un intérieur lausannois», court mais délicieux récit autour d’un tableau du XIXème siècle, d’une jeune écrivaine romande, Stéphanie Lugon.
Y a-t-il quelque chose qui vous agace extrêmement dans le domaine fiscal?
Oui, et c’est l’érosion lente et semble-t-il inexorable du principe de la légalité. Et les tribunaux qui laissent trop souvent faire, peut-être apeurés par la technicité de la matière, alors que le respect strict du texte légal, sans fioritures administratives, devrait être leur obsession! J’aime la créativité en art, pas en fiscalité.
Avez-vous un (des) modèle(s)?
En matière de production juridique, j’ai admiré le don du langage synthétique d’Ernst Höhn et en langue française le style si élégant et quasi-littéraire d’Henri Batiffol, grande figure française de la doctrine en droit international privé. Je me rends compte ici que je ne cite que des morts … je dois être un conservateur nostalgique!
Étiez-vous un bon élève?
Ma courbe dans ce domaine a fluctué: bon comme enfant, peu travailleur comme adolescent, à nouveau bon à l’université. Et depuis que j’ai lu qu’Einstein lui-même aurait dit: «la chose la plus difficile à comprendre au monde, c’est l’impôt sur le revenu», je me trouve très au-dessus de la moyenne comme professeur de droit fiscal!
Qu’est-ce qui vous fait peur?
L’endettement étatique mondial, totalement déraisonnable, qui pourrait un jour nous précipiter 150 ans en arrière et nous empêcher de faire face aux autres défis de notre planète.
Croyez-vous en une puissance supérieure?
Le Tribunal fédéral?
