Nom: Urs R. Behnisch
Profession/position: avocat, docteur en droit, professeur honoraire de droit fiscal et d’économie à l’Université de Berne, professeur émérite de droit fiscal à l’Université de Bâle.
Famille: épouse: Barbara Reber Behnisch; deux filles: Livia et Fiona Behnisch
Pourquoi êtes-vous devenu juriste?
Je suis devenu avocat afin de lutter pour l’équité. Il en va de même pour ma carrière scientifique. Je pense avoir obtenu quelques résultats, même si la plupart des requêtes, propositions et réclamations sont tombées dans l’oreille d’un sourd, au moins provisoirement … l’espoir, comme vous le savez, ne meurt jamais!
Êtes-vous reconnu dans la rue?
Non, heureusement pas; en tant que juriste, on n’est pas célèbre. De temps en temps, on est approché par d’anciens étudiants dans la rue ou dans le train. Viennent ensuite des conversations intéressantes et enrichissantes.
Avez-vous une devise de vie?
En tant qu’avocat et scientifique, oui: Je me bats, donc je suis.
Quel était votre souhait professionnel en tant qu’enfant – et pourquoi n’en est-il rien résulté?
Électricien de radio et de télévision: j’aurais été intéressé par le lien entre la technique, la communication et le contenu diffusé, en particulier la musique (classique). Le chemin du gymnase a mis en avant des thèmes plus abstraits. L’intérêt pour la technique est resté, entre-temps une installation haut de gamme (malheureusement un peu dominante) pour la reproduction de musique classique (surtout).
Comment vous détendez-vous?
Avec l’âge, je suis devenu un peu plus calme. J’arrive à me détendre en écoutant de la musique ou en lisant un livre intéressant ou brillant. Cela m’emporte dans une autre sphère, m’ouvre de nouveaux mondes et me permet de relativiser les soucis quotidiens.
Vous vivez avec votre femme et vos deux filles adolescentes. Vous reste-t-il assez de temps et de calme – et arrivez-vous à vous faire entendre?
J’arrive à m’exprimer, mais ma capacité à m’imposer laisse souvent à désirer … c’est comme en droit: les arguments logiques ne s’imposent pas forcément!
Je trouve le temps et le calme le soir et le week-end, mais aussi plus souvent durant la journée grâce à la réduction de mon taux d’occupation.
Parlez-nous de vos années de jeunesse moins tranquilles?
Mes années de jeunesse ont été marquées par la lutte dans les écoles: le gymnase a été un défi pendant les deux premières années, en raison de la préparation médiocre que j’avais reçu à l’école secondaire, notamment en raison des enseignants qui compensaient le manque de connaissances pédagogiques par l’humiliation des élèves, et des camarades prétentieux qui ne considéraient pas les «campagnards» comme dignes du gymnase. J’ai pu revivre pendant mes études, notamment à l’Université de Berne et pendant mon stage d’avocat de l’époque, qui m’a directement conduit au brevet d’avocat.
J’ai vécu dans une atmosphère incroyablement ouverte et bienveillante, avec une profondeur et une largeur de formation qui n’existent plus guère aujourd’hui dans la formation juridique. Cela s’explique par la combinaison d’une théorie solide et d’une activité pratique pendant les études, ce qui a par exemple permis de «laisser tomber» certains professeurs après la formation pratique pour la préparation du brevet d’avocat.
Mes tentatives visant à élargir considérablement la formation initiale et continue à l’Université de Bâle pour les étudiants souhaitant obtenir le brevet d’avocat ont échoué en raison du manque de disponibilité de la faculté et de l’Ordre des avocats de la ville. En revanche, la situation à l’Université de Berne, avec différentes offres de préparation à l’examen d’avocat, me paraît toujours excellente.
Où se trouve votre lieu de prédilection?
Mon point d’aspiration est atteint lorsque je peux me laisser entraîner dans d’autres sphères avec des compositeurs, des musiciens ou des auteurs.
Ce qui me comble aussi toujours, ce sont les voyages, notamment dans un endroit magique comme Conques (en France) avec son église romane au milieu d’un ensemble de constructions parfaitement préservées ou pouvoir visiter les temples grecs de Paestum (et ce, grâce au chemin de fer qui arrive à proximité de la destination et qui ne demande pas d’empreinte écologique considérable) (presque sans touristes, comme il y a plus de quarante ans, en raison de la pandémie de coronavirus). Par conséquent, il n’y a pas de véritable lieu de prédilection; il faut rester ouvert et se laisser surprendre en permanence.
Comment maintenez-vous votre motivation au travail?
C’est relativement simple: il faut uniquement se pencher sur les problèmes des contribuables qui se retrouvent à tort devant les autorités et les tribunaux, vous saurez alors contre quoi il est important de lutter en tant qu’avocat et scientifique. Mais souvent, la recommandation est simple: il faut payer. C’est contre l’humiliation récurrente des citoyens par les institutions étatiques, qu’il y a lieu de se battre. Malheureusement, la situation ne s’améliore guère, même si en Suisse – comparé à de nombreux autres pays – nous nous plaignons à un niveau avancé…
Quel livre lisez-vous en ce moment?
Je lis souvent plusieurs livres en parallèle, actuellement, il s’agit de: (i) Filip Müller, «Sonderbehandlung. Meine Jahre in den Gaskammern und Krematorien von Auschwitz», (ii) Ingo Müller, «Furchtbare Juristen, Die unbewältigte Vergangenheit der deutschen Justiz» (une étude des erreurs commises par Freisler sous le 3e Reich, enrichissante, car les juges suivent sans cesse des «contraintes» politiques et non pas le droit en vigueur – par exemple, en Suisse, on songe à l’entraide administrative et judiciaire en matière fiscale) et (iii) – enfin bon pour le moral – l’ouvrage magnifique et très fantastique sur la Salière de Cellini (Musée d’histoire de l’art de Vienne; un sommet de l’orfèvrerie de la Renaissance, sur la base de la mythologie grecque, combinée à des allusions érotiques et contemporaines).
Y a-t-il quelque chose qui vous énerve énormément dans le droit fiscal?
L’inégalité de traitement, parce qu’elle est fondamentalement contraire à l’idée de justice. Plus le droit fiscal devient complexe, plus le système à tendance à devenir inéquitable, avec nos taux d’imposition très élevés dans la plupart des cantons et l’impôt fédéral direct sur la richesse. Au lieu d’une base de calcul large avec des taux d’imposition bas, les parlementaires choisissent malheureusement le contraire, afin de servir – soi-disant – leur clientèle. Un exemple: il y a quelques années, des experts de la CER-CE ont été invité à une audition pour connaître l’avenir du système fiscal. Des représentants d’administrations fiscales (AFC/cantons), de la branche de la révision et de la science étaient invités (juristes/spécialistes des finances). Tous les experts – mirabile dictu – étaient unanime: notre système est trop compliqué, en particulier dans les relations intercantonales, il faut élargir la base de calcul et maintenir les tarifs à un niveau bas. Les injustices sont inévitables, mais le système ne peut pas, d’emblée, satisfaire tous les comportements de la vie. Il faut donc intervenir dans le porte-monnaie en ménageant le plus possible le contribuable, de préférence au taux biblique de la «dîme», le taux d’imposition dont je rêve. Malheureusement, nous en sommes loin, mais pire encore: après avoir passé une séance d’une demi-journée, suivi d’un apéro dînatoire à avoir essayé d’inculquer aux conseillers d’États la solution adéquate, le lendemain, j’ai lu le résultat dans la presse: la CER-CE a décidé d’une déduction importante des frais de formation – une autre brèche dans la base de calcul – ce qui va à l’encontre de notre recommandation unanime! Je suis également agacé contre l’inégalité de traitement dans la pratique administrative et judiciaire. Par exemple, la pratique soleuroise en matière de valeur locative est manifestement faussée (forfait d’un côté et évaluation individuelle de l’autre; pour l’impôt fédéral direct et seulement pour celui-ci, les forfaits sont augmentés de 25%) ! Ou lorsque, en droit pénal fiscal, sur trois conseillers d’administration qui ont signé les mêmes bilans et comptes de résultat en pleine connaissance des lacunes, seulement un est poursuivi pour falsification de documents.
Préférez-vous un verre de vin rouge ou une bière?
Après une randonnée en montagne qui a fait transpirer, il n’y a rien de mieux qu’une pression fraîchement tirée. Avec un repas bien soigné, qui peut aussi être simple, un (de préférence plusieurs …) verre de vin blanc rafraîchissant ou un vin rouge parfaitement mûr (Bordeaux ou Bourgogne, mais aussi du Valais ou de la seigneurie grisonne), selon ce qui convient ou ce qui fait envie. La constitution et la gestion d’une réserve appropriée est une source de joie anticipée qui se multiplie lorsque l’on partage agréablement le vin avec ses amis…